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Association des cinémas de l'Ouest pour la recherche

Du temps des Cahiers jaunes…

[…] Pendant toute la durée des Cahiers jaunes (de 1951 à 1964), la revue n'occupait qu'une seule pièce, relativement vaste, en haut des Champs-Elysées. C'était à la fois un lieu de travail, de rencontres et de discussions, en particulier après dix-huit heures. Le travail occupait deux personnes à temps plein : le rédacteur en chef (au début des années 1960, c'était Eric Rohmer) et une secrétaire qui était venue libérer Lydie Doniol-Valcroze des tâches administratives. Donc, un jour, nous vîmes arriver un jeune homme, très réservé, qui cherchait surtout à ne pas se faire remarquer. C'était le mari de la secrétaire. Il venait chercher sa femme vers huit heures du soir. Pendant ce temps, toute l'équipe des Cahiers, présents et passés, ceux de la Nouvelle Vague, entre autres, qui rejoignaient les autres après leur tournage, discourait avec animation des films nouveaux, des cinéastes aimés ou détestés, des courants philosophiques ou artistiques en pointe, etc. Personne ne prêtait attention à Jean Eustache. Mais bientôt, celui-ci arrivait juste un peu plus tôt, puis bientôt encore plus tôt, pour débarquer, un soir, après quelques mois, vers les six heures. Entre temps, l'équipe s'était habituée à sa présence, conversait avec lui et constatait que sa passion du cinéma était réelle, que ses goûts rejoignaient ceux, en général, de la revue. Bref, il fut adopté. Il fut considéré comme appartenant aux Cahiers du cinéma alors même qu'il n'y écrivit jamais à l'époque des Cahiers jaunes.[…]


Jean Douchet,
Extrait de Jean Eustache in Séance
(article paru à l'occasion de la rétrospective intégrale Jean Eustache
Centre Pompidou, du 14 décembre 2006 au 15 janvier 2007)